J'ai participé au colloque des doctorants et des post doctorants de l'Ecole doctorale de l'université Paris XIII Erasme les 11 et 12 avril 2013. Le titre de mon intervention était La mémoire des guerres tchétchènes au miroir de la mémoire de la guerre d'indépendance algérienne.
En se situant à la suite des travaux de Pierre Nora, de Georges Nivat, de Henry Rousso et de Benjamin Stora, l’objet de cette communication est de comparer les mémoires de ces conflits sur le terrain algérien et sur le terrain russe en partant des représentations du bas de la société mais aussi des lieux de mémoire topographiques et symboliques(musée, mémoriaux, lieux de bataille comme la ville de Grozny, lieux de souffrance) aussi bien en Russie, en Tchétchénie et en Algérie. Il s’agit de mettre à jour les formes de légitimation du pouvoir dans ces deux pays. De même que la guerre d’indépendance algérienne est une rente symbolique pour le pouvoir algérien, les guerres en Tchétchénie ont contribué à façonner « un mythe Vladimir Poutine »qui renoue avec l’image d’un pouvoir fort et tout puissant en Russie. Toute la question est de rechercher les lieux de mémoire pertinents en Russie et en Tchétchénie pour effectuer cette comparaison. Les mémoriaux sont encore rares et sont dédiés aux victimes du terrorisme contrairement aux monuments aux « martyrs »présents dans tous les villages et les villes algériennes. La prison de Tchernokosovo à Naoursk au Nord du territoire tchétchène est un lieu de souffrance majeur des guerres en Tchétchénie où s’est déployée une violence sans limite n’épargnant pas les vieillards, les femmes et les enfants. Elle peut être comparée avec la prison Barberousse/Serkadji à Alger, lieu de détention le plus connu des détenus membres du FLN et d’exécution des condamnés à mort. Il faut mentionner également le centre de détention de Cervienaja et également les prisons situées en territoire russe. La ville-martyr de Grozny est un lieu de mémoire avec ses 10 camps de filtration installés dans des casernes improvisés. En matière d’espace urbain, elle peut être comparée avec la Casbah d’Alger. Parmi les lieux de bataille, il faut mentionner les montagnes du Sud de la Tchétchénie dont les gorges d’Argoun et de Vedeno qui sont un épicentre de la dissidence comparable aux Aurès en Algérie.
Bibliographie
Abderrahmane Bouchene, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour, Sylvie Thénault (sous la direction de ), Histoire de l’Algérie coloniale, Paris, La Découverte/Barzakh, 2012
Raphaëlle Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, Paris, Gallimard, 2001
Omar Carlier, La nation et le djihâd. Histoire sociale des radicalismes algériens, Paris, Presses de Science Po, 1995
Georges Nivat(sous la direction de), les sites de la mémoire russe, Paris, Fayard, 1997.
Pierre Nora(sous la direction de), les lieux de mémoire(3 tomes), Paris, Gallimard, 1997
Pierre Nora, Présent, nation, mémoire, Paris, Gallimard, 2011
Amandine Regamey, Silvia Serrano, Tchétchénie : une affaire intérieure, Russes et Tchétchènes dans l’étau de la guerre, Paris, Autrement-CERI, 2005
Henry Rousso, le syndrome de Vichy, Paris, Le Seuil, 1987
Benjamin Stora, la gangrène et l’oubli, Paris, La Découverte, 1991.
Mairbek Vatchagaev, l’aigle et le loup : la Tchétchénie dans la guerre du Caucase du
XIX ème siècle à nos jours, Aude Merlin, Buchet, 2008